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Komla Dziedzom

Élevage

Suspension de la transhumance transfrontalière : Un coup dur pour l’économie nationale





Dans la foulée des mesures sanitaires prises pour freiner la propagation de la pandémie à corona virus, le Gouvernement togolais a décidé de reporter le démarrage de la transhumance transfrontalière initialement prévue pour le 31 janvier 2021. Cette décision inattendue a eu comme conséquences immédiates l’impossibilité aux éleveurs nomades d’entrer dans le pays et de continuer leur périple avec leurs troupeaux à cause des fermetures des frontières. Un coup dur pour le marché frontalier de Koundjoaré (région des Savanes) qui représente la principale porte d’entrée des transhumants au Togo pendant leur parcours vers le Sud.



Depuis la décision de report de la transhumance, les bœufs vendus pour la consommation proviennent essentiellement des élevages locaux. A cause de la diminution de l’offre, les spéculations sur les prix vont bon train : « un bœuf adulte vendu normalement à 200 000 FCFA coûte aujourd’hui entre 220 000 et 250 000F CFA » confie M. ADAMOU, président des commerçants de bétail. Et cela se répercute bien-sûr sur le prix du kilogramme de la viande de bœuf qui est passé de 1700 frs CFA à 1800 frs à la boucherie de Korbongou.



Il est donné de constater que certaines activités connexes découlant de la transhumance connaissent un ralentissement. Ainsi, l’absence de nouvelles têtes de bovin pourrait sérieusement impacter la prochaine campagne agricole dans la région. Ceci est dû au fait que les bœufs de trait sont généralement acquis auprès des bouviers en transhumance. Lorsqu’on sait que dans la région septentrionale, la culture attelée est très pratiquée, l’on peut comprendre aisément que les agriculteurs éprouvent des difficultés énormes à renouveler leur troupeau vu qu’entretemps, ils ont vendu leurs bœufs afin d’acquérir de nouveaux plus en forme.



“L’on pouvait compter l’arrivée journalière d’au moins 1 500 bœufs dont 500 à 800 pouvaient être vendus sur place. Avec la suspension de la transhumance (la surveillance étant devenue très rigoureuse), il y a une inquiétude grandissante dans les esprits. La fréquentation a diminué, par rapport au mois de décembre 2020, avec des répercussions sur les gains engrangés par la commune et les activités des commerçants” font observer les acteurs économiques du milieu.



Tout ceci n’est pas sans incidence sur les activités socioéconomiques dans la commune de Kpendjal 1, où se trouve un marché à bétail de renommée sous-régionale. Il s’agit notamment du marché de Koundjoaré fréquenté aussi bien par des Béninois que des Nigérians. “C’est un marché où, mine de rien, l’on brasse plus d’un milliard et demi de francs CFA par an, et ceci, dans un milieu rural égaré“, estiment les experts. Cette fois-ci, le Gouvernement leur a coupé l’herbe sous les pieds et les transhumants sont obligés d’attendre malgré eux et “ça fait mal” avouent-ils.



Pendant la période de novembre à mars qui correspond généralement à l’arrivée des transhumants dans la zone nord du pays, la vente de sel devient une activité périodique et florissante. Plusieurs femmes du milieu s’y consacrent pour se faire un peu de sous. En effet, les éleveurs utilisent le sel dans l’alimentation des bœufs, comme substitut de la pierre à lécher, une source de minéraux. Suite à la décision de suspendre la transhumance, les revendeuses de sel se retrouvent avec d’importants stocks qu’elles n’arrivent pas à écouler.



Au cours de la même période, la commercialisation et l’abattage des petits ruminants prend de l’ampleur. C’est plus d’une quarantaine de têtes d’ovins qui sont abattues chaque jour pour la consommation des éleveurs transhumants. Les restauratrices et autres gérantes de gargotes installées aux environs des points de vente de bovins tirent également leur épingle du jeu à cette époque de l’année d’autant plus que le nombre de clients augmente considérablement.



De même, les cabinets vétérinaires, à travers les prestations offertes aux transhumants et la vente de produits vétérinaires (trypanocides surtout) voient leurs chiffres d’affaire être décuplés.



Il s’avère, en définitive que, contrairement à certaines appréhensions, la filière bovine est très détaillée. Selon les estimations, plus d’un milliard de francs CFA sont brassés pendant chaque campagne par les éleveurs transhumants, en termes d’achats de produits de nécessité, de nourritures, de produits pharmaceutiques, de soins pour les animaux, de paiement d’infractions etc.



Le Togo dispose d’environ 400 000 têtes de bovins, dont 75% se retrouvent dans la région des Savanes. La période de transhumance est observée chaque année de fin janvier à fin mai dans plusieurs pays de la sous-région, afin d’éviter l’épuisement des pâturages et protéger les bétails. L’an dernier, environ 30 000 têtes de bovins ont parcouru le Togo.



L’élevage représente plus de 16% du PIB agricole et 6,7% du PIB national togolais.



Adillah ALI/Jacques Sourou DOUTI #Bovins_de_boucherie


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